Cela fait un moment que je voulais rédiger un article sur le
sujet sur le blog afin d'être le plus clair possible, mais quelqu'un d'autre
l'a fait avant moi et d'une manière que je ne saurai égaler. je vais donc me
contenter de le citer :
"La légitime défense des personnes est définie
à l'article 122-5 du code pénal français.
Ce texte sera appliqué pour tout acte jugé
par un tribunal français, que cet acte ait été commis en France ou à
l'étranger, par un français ou un étranger, sur un français ou un étranger.
La légitime défense doit être prouvée par
celui qui s'en prévaut, c'est à dire la personne qui a accomplit un acte de
défense. En clair, il ne suffit pas de dire qu'on se trouvait en état de
légitime défense pour en bénéficier, il faut prouver que toutes les conditions
de la LD sont réunies.
Le premier alinéa de l'article 122-5 concerne
la légitime défense des personnes :
« N'est pas pénalement responsable la
personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui,
accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime
défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens
de défense employés et la gravité de l'atteinte. »
Ce texte veut dire que la personne au
bénéfice de laquelle la légitime défense a été reconnue, ne verra pas sa
responsabilité pénale engagée, bien qu'elle ait commis à l'encontre de son ou ses
agresseurs un acte qui correspond matériellement à un crime ou un délit. (En
l'occurrence, coups et blessures volontaires, coups mortels, ou meurtre).
Examinons maintenant les conditions à réunir
pour bénéficier de la légitime défense :
1° «
devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui » :
La personne peut se défendre elle-même, mais
également défendre d'autres personnes, que ce soit des proches ou de parfaits
inconnus
L'atteinte à la personne défendue ou qui se
défend, ne doit pas être justifiée. L'atteinte justifiée recouvre en pratique
trois cas :
- «
l'agresseur » était en réalité engagé dans une action de légitime défense, de
lui-même ou d'autrui.
- «
l'agression » est en réalité une interpellation effectuée par les forces de
l'ordre, agissant en cette qualité. C'est le cas du témoin qui se jette sur
l'agent en civil qui poursuivait un délinquant.
- «
l'agression » consiste en réalité en l'application de l'article 73 du code de
procédure pénale, qui donne le droit à tout témoin d'un crime flagrant ou d'un
délit flagrant punissable d'emprisonnement, d'appréhender son auteur, pour le
conduire devant l'OPJ le plus proche.
ATTENTION : s'assurer par la force d'une
autre personne, fusse-t-elle un délinquant, est dangereux juridiquement
parlant. On a très vite fait de basculer dans les violences volontaires,
l'enlèvement et la séquestration arbitraire.
En résumé, il est important de ne pas foncer
bille en tête et de prendre le temps d'analyser la situation avant de poser un
acte violent (pour autant que la chose soit possible en pratique).
2°
accomplit, dans le même temps
Ce morceau de phrase veut dire que l'acte de
défense pour être légitime, ne doit pas :
- être
accomplit avant l'agression. C'est la prohibition de la défense préventive.
ATTENTION : cela ne veut absolument pas dire
qu'il faut attendre d'avoir reçu le premier coup pour riposter ! L'esprit du
texte est simplement d'interdire d'agresser autrui préventivement, au prétexte
qu'il pourrait éventuellement avoir de mauvaises intentions à notre égard. Ni
plus, ni moins. En fonction des circonstances (agression par un groupe, par
exemple), il pourra être parfaitement légitime pour l'agressé de porter
lui-même le premier coup, à condition qu'au moment où il le fait, l'acte de
violence soit devenu inévitable pour préserver sa propre intégrité physique ou
celle d'une autre personne.
- être
accomplit après l'agression : cela
recouvre toute action violente accomplie à partir du moment ou l'agression a
pris fin, quelle que soit la forme de cette fin (par neutralisation de
l'agresseur ou succès de l'acte d'agression), car à partir de ce moment,
l'agressé a soit échappé au danger, soit le danger s'est réalisé, et donc il ne
court plus de risque.
En résumé, l'acte de défense doit être
accomplit de façon concomitante à l'acte d'agression. L'appréciation de ce que
la concomitance recouvre concrètement, relève des circonstances.
3° un acte commandé par la nécessité de la
légitime défense
Est nécessaire ce qui ne peut pas être
autrement, ce dont on ne peut se passer.
Poser un acte violent doit être devenu
inévitable pour se sortir de cette situation. On lit souvent dans les manuels
de droit que cette condition n'est pas aussi stricte qu'il y paraît et qu'en
réalité, dans les cas où le repli est possible, on peut néanmoins choisir de se
défendre. Je n'ai pas trouvé d'arrêt de la Cour de Cassation qui confirme
clairement cette interprétation.
Et en pratique, du point de vue de la
cohérence générale de mon discours et donc de ma crédibilité, je m'imagine mal
en train d'expliquer froidement à un OPJ
ou un juge que mon acte de défense était nécessaire, puisque j'avais choisi de
ne pas mettre en œuvre la solution viable de repli qui était à portée.
4° sauf s'il y a disproportion entre les
moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte
La proportionnalité s'apprécie entre la
défense mise en œuvre d'une part et l'atteinte que l'agresseur veut faire subir
à l'agressé d'autre part. En droit, la gravité des dégâts occasionnés à
l'agresseur, qui ne sont que la conséquence du moyen de défense, n'est PAS un
critère à prendre en compte pour apprécier la proportionnalité.
En pratique, on apprécie la proportionnalité
en considérant que la gravité intrinsèque de l'acte de défense ne doit pas
dépasser la gravité intrinsèque de l'acte d'agression.
Par exemple : riposter à une agression au
couteau en poussant à fond une clé sur les cervicales pourra être admissible ,
car il s'agit pour l'agressé de faire face à un danger de mort. Faire la même
chose contre un coup de poing ne sera par contre normalement pas admis, ce type
d'attaque ne mettant normalement pas la vie en danger.
Cependant, si je tue mon agresseur, qui a
priori ne mettait pas ma vie en danger, en utilisant un moyen de défense
normalement non mortel, mais qui aura eu des conséquences aussi imprévues que
regrettables pour nous deux, la proportionnalité pourra tout de même être
reconnue.
Par exemple : mon agresseur me frappe, je
riposte avec un crochet au foie pour me dégager, mais pour son malheur et le
mien, mon agresseur est affligé d'une cirrhose monstrueuse et son foie éclate
sous l'impact.
Mais dans ce cas, je risque concrètement d'avoir du mal à prouver que mon acte de
défense était pourtant proportionné, malgré qu'il a eu des conséquences
extrêmes.
Exemples d'appréciation de la condition de
proportionnalité par des juridictions :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000019891420&fastReqId=651520134&fastPos=1Proportionnalité
reconnue, car aucun doute possible sur les intentions belliqueuses de
l'agresseur et riposte de l'agressé ayant simplement consisté à le faire tomber
pour le maîtriser au sol, en attendant l'arrivée des gendarmes. Notez que la
gravité des blessures subies par l'agresseur (hanche brisée) n'empêche pas les
juges de considérer que l'acte de défense (consistant à faire tomber puis
maîtriser) est « manifestement proportionné » à l'atteinte subie : bousculade,
menaces et tentative de coups.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000006947297&fastReqId=651520134&fastPos=2Proportionnalité
non reconnue, vu le grand âge et la fragilité physique apparente de
l'agresseur, l'agressé (menacé avec un marteau) étant un homme jeune et
robuste. A noter : un seul témoin, qui
n'a pas assisté aux évènements, et prise en compte du fait que l'agresseur
n'avait rien d'un enfant de chœur, pour alléger la peine de l'agressé.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000006941090&fastReqId=1467908947&fastPos=6Proportionnalité
reconnue : deux agresseurs alcoolisés forcent la porte du domicile de
l'agressé, refusent de quitter les lieux, se livrent à des violences et menaces
avant que l'agressé n'en jette un par la fenêtre et ne menace l'autre avec un
cutter.
Points de vigilance particuliers sur la
légitime défense :
Légitime défense et homicide involontaire :
ils sont exclusifs l'un de l'autre.
Cf exemples
1http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007066931&fastReqId=1731194708&fastPos=1
et
2http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007066931&fastReqId=1889311885&fastPos=1
La cour de Cassation considère que l'acte de
légitime défense est nécessairement voulu par son auteur. Or, l'homicide
involontaire, défini à l'article 221-6 du code pénal, consiste en substance à
causer la mort d'autrui par négligence, maladresse, ou imprudence, sans avoir
voulu, ni cette mort, ni l'acte qui l'a causé.
Concrètement, cela veut dire que l'agressé ne
peut pas prétendre à la fois bénéficier de la légitime défense et vouloir que
son acte soit à défaut considéré comme un homicide involontaire (les peines
pour cette infraction sont beaucoup plus légères que celles prévues pour les
atteintes volontaires à la personne). S'il veut plaider la légitime défense, il
est de fait obligé de reconnaître une atteinte volontaire à l'intégrité
physique d'autrui.
Cette interprétation est très critiquable
juridiquement et oblige l'agressé à un quitte ou double judiciaire, mais pour
l'instant c'est celle de la plus haute juridiction française, il faut donc
faire avec.
Cas ou la loi instaure une présomption de
légitime défense au bénéfice de l'auteur de l'acte de défense :
Il s'agit de l'article 122-6 du code pénal :
Est présumé avoir agi en état de légitime
défense celui qui accomplit l'acte :
1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par
effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
2° Pour se défendre contre les auteurs de
vols ou de pillages exécutés avec violence.
ATTENTION : ce texte ne veut pas dire que
dans ces deux cas, l'agressé bénéficiera automatiquement de la légitime défense
!
Il s'agit « juste » d'un renversement de la
charge de la preuve : alors que normalement, c'est à l'agressé de prouver que
son acte de défense était légitime juridiquement, dans ces deux cas, c'est au
procureur de prouver que l'acte violent de l'agressé ne remplissait pas un ou
plusieurs des critères de la légitime défense.
Mythes sur la légitime défense :
- les
poings des boxeurs sont considérés comme des armes : faux en France
- on
ne peut mettre en œuvre une arme que pour se défendre contre une agression avec
arme : faux en soi, cela dépend des circonstances. Mais toutes choses égales
par ailleurs, il sera peut-être plus difficile de prouver que l'atteinte portée
par un ou des individus désarmés était d'une gravité telle qu'elle nécessitait
l'usage d'une arme en réponse
- il
est moins grave d'utiliser une arme improvisée qu'une arme par nature, pour se
défendre : faux, la loi française ne fait pas ce genre de distinctions pour
apprécier la gravité d'une atteinte à l'intégrité physique
- les
pratiquants de méthodes de combat au corps à corps n'ont pas le droit
d'utiliser leur art : faux. Par contre, l'appréciation du caractère
proportionné du geste d'un pratiquant sera
plus stricte que s'il s'agissait du pékin lambda, car les juges auront
tendance à considérer que du fait de son entraînement, il a une plus grande
capacité à maîtriser sa riposte.
Pour conclure sur la légitime défense des
personnes :
Il est impossible de dire a priori et dans l'absolu
que tel acte, commis en réaction de tel type d'agression, sera ou ne sera pas
reconnu comme un acte de légitime défense. Encore une fois, cela dépend des
circonstances propres à chaque cas : type d'agression, nombre d'agresseurs,
présence ou nom de témoins susceptibles d'intervenir, présence d'alcool, âge,
sexe,état physique et antécédents des différents protagonistes....
La légitime défense des biens est définie au
second alinéa de l'article 122-5 du code pénal :
N'est pas pénalement responsable la personne
qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien,
accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte
est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés
sont proportionnés à la gravité de l'infraction.
1° pour interrompre l'exécution d'un crime ou
d'un délit contre un bien,
La légitime défense des biens concerne « un
bien » . Cela peut être le mien, celui d'autrui, un bien public, un bien sans
propriétaire.
Il faut « interrompre l'exécution d'un crime
ou d'un délit ». Pénalement, quasi toutes les atteintes aux biens sont, à ma
connaissance, au moins des délits. Cette condition n'en est donc pas vraiment
une. Par contre, le crime ou délit doit être en train de se commettre. On ne
peut pas interrompre quelque chose qui n'a pas encore ou déjà eu lieu.
2°
accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire
Cette condition parle d'elle-même. On ne peut
JAMAIS tuer volontairement quelqu'un
pour protéger une possession matérielle, quelles que soient les circonstances.
Cela implique qu'on ne peut pas protéger ses
biens des voleurs en les piégeant avec
des dispositifs mortels (explosifs, pièges à loups...). Même si le dispositif ne fait que blesser le
voleur, celui qui l'a posé reste juridiquement coupable de tentative
d'assassinat.
3° lorsque cet acte est strictement
nécessaire au but poursuivi
Aussi une condition de nécessité, mais
renforcée par rapport à la légitime défense des personnes.
En pratique et en logique, un acte n'est pas
« strictement nécessaire ». Il est nécessaire ou il ne l'est pas. Le
législateur a voulu faire passer l'idée que la nécessité doit être appréciée
plus rigoureusement s'agissant de la défense des biens. Je ne sais pas ce qu'il
en est en pratique.
4° dès lors que les moyens employés sont
proportionnés à la gravité de l'infraction
Mêmes remarques que pour la défense des
personnes. A noter que le meurtre n'est JAMAIS un moyen proportionné à la gravité
de l'atteinte que subit un bien.
Conseils généraux pour faire reconnaître la
légitime défense par les autorités :
- si les circonstances le permettent,
s'identifier clairement comme la victime aux yeux d'éventuels témoins, avant et
après avoir posé l'acte de défense
-
prendre le nom et les coordonnées des témoins. Ne pas hésiter à en rajouter une
couche : « vous avez vu ? Je m'occupais de mes affaires sans embêter personne
et lui, sans aucune raison, il a essayé
de me.... ». Cela pourra aider la personne à bien fixer dans son esprit les
rôles respectifs des différents protagonistes
-
prévenir les secours si l'agresseur semble avoir besoin de soins, et la police
autrement
-
déposer plainte contre l'agresseur (pas une main courante, mais une vraie
plainte, avec constitution de partie civile)
- au
maximum être précis et factuel dans les explications données aux forces de
l'ordre. Surtout pas d'arrangements avec la vérité : les bons menteurs sont
rares et perdre votre capital de crédibilité aux yeux de gens qui sont chargés
de déterminer si vous faites partie des gentils ou des méchants, serait
dramatique. Si vous avez une bonne raison de penser que dire la vérité ne vous aidera
pas, alors taisez-vous ou au moins restez dans le vague, jusqu'à avoir pu en
discuter avec votre avocat.
-
demander l'assistance d'un avocat : Si dès à présent vous connaissez un avocat
pénaliste, apprenez par cœur un numéro de téléphone où il est joignable à tout
moment, pour le cas où. Contactez le dès que possible (par exemple juste après
avoir prévenu les secours ou la police), résumez lui la situation et suivez les
conseils qu'il vous donnera. Sinon, cherchez en un dès que possible.
ATTENTION : Un avocat coûte cher si vous ne
bénéficiez pas de l'aide juridictionnelle (en pratique, environ 200€ de l'heure
au minimum). Raison de plus pour rentabiliser l'investissement en lui racontant
bien toute la vérité dès le début, même si elle ne vous fait pas apparaître
sous votre meilleur jour. C'est seulement ainsi qu'il pourra vous aider
efficacement. Et si suites judiciaires il y a, vous aurez grand besoin de
l'aide d'un professionnel pour faire reconnaître votre bon droit. »
j'ai trouvé cet article sur l'excellent site de David MANISE
: